C'est bien au détriment de la santé humaine plus encore que de l'environnement que l'exploitation des gaz de schiste se fait aux États-Unis, exploitation qui s'est intensifié à partir de 2008. C'est un document de l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA) dont les extraits sont publiés par le New York Times qui le révèle...enfin!
Selon un dossier très argumenté du célèbre journal intitulé "Une réglementation laxiste pendant que l'eau polluée des puits de gaz frappe les rivières", l'exploitation des gaz de schiste aux États-Unis, se fait au détriment de toute considération sanitaire.
Certes, les enjeux économiques sont colossaux. D'ici 2020, le gaz de schiste représenterait jusqu'à 50% de la production nord-américaine. Il est acquis que le sous-sol de la planète renferme du gaz de schiste, la roche argileuse qui le contient. Mais pour libérer ce gaz, il faut fracturer cette roche. Ce gaz est le résultat de la transformation de sédiments minéraux et de matières organiques, il y a 450 millions d'années. Depuis le début des années 2000, le gaz de schiste représente un atout majeur dans l'approvisionnement en gaz naturel en Amérique du Nord mais aussi en Europe. C'est une question plus que sensible à l'heure où se fait jour une course à l'indépendance énergétique des Etats dans un contexte d'incertitudes d'approvisionnement de pétrole et de gaz conventionnel, incertitudes liées à l'instabilité des régimes arabes entre autres et surtout à la volonté des peuples en recherche de démocratie de continuer à alimenter les pays occidentaux dans les mêmes conditions négociées avec des régimes corrompus.
Le gaz de schiste devrait dégager un potentiel croissant dans les approvisionnements énergétiques mondiaux. Les gouvernements du Canada; d'Australie, d'Asie et d'Europe sont donc attentifs à cette manne comme le sont les pays exportateurs de gaz conventionnel.
En France aussi, les sous-sols recèleraient du gaz de schiste. Mais les conséquences somme aux États-Unis n'ont pas été examinées préalablement à leur principe d'exploration en vue de leur exploitation. Or, si aux États-Unis, le mal est fait pour beaucoup de personnes, en France, on peut encore prendre la décision de ne pas faire n'importe quoi à n'importe quel prix y compris et surtout humain. Pour cela, on peut s'appuyer sur les recherches et les analyse faites par la EPA américaine dont les rapports sont souvent très circonstanciés.
Dans les extraits du rapport de l'agence américaine de protection de l'environnement, on peut y lire "les rejets toxiques issus de l'exploitation des gaz de schiste, signalés par des milliers de documents, ont des conséquences sur l'environnement et la santé humaine que l'on ne soupçonnait pas".
Le plus inquiétant concerne les rejets d'eaux usées: "Avec la fracturation hydraulique, un puits produit parfois plus de 4 millions de litres d'eaux usées qui contiennent souvent des sels hautement corrosifs, des cancérogènes comme le benzène et des éléments radioactifs comme le radium, tous pouvant être présents naturellement à des centaines de mètres sous le sol". Comme l'avait montré le documentaire Gasland, la fracturation hydraulique a rendu l'eau impropre à la consommation dans de nombreuses villes des États-Unis. C'est lorsque la ville de New York a failli être touchée dans son alimentation en eau que les interrogations ont commencé à être prise au sérieux. Faut-il que Paris soit touché pour que l’Élysée se réveille?
Les rapports de l'EPA indiquent qu'en Pennsylvanie où se trouvent 200 puits d'exploitation, on a constaté dans les eaux usées un taux de radioactivité 100 à 1000 fois supérieur au niveau maximum utilisé. Selon un autre document daté de 2009, "les eaux usées, qui sont parfois transportées jusqu'à des stations d'épuration non conçues pour les traiter et qui sont ensuite déversées dans des rivières qui fournissent de l'eau potable, présentent des niveaux de radioactivité plus élevés que ceux connus auparavant et bien plus hauts que les niveaux considérés somme sûrs par les réglementations fédérales pour le traitement pour ces station d'épuration". En Pennsylvanie, ce sont plus de 800 000 personnes qui consomment l'eau potable issus du bassin versant dans lequel sont rejetées ces eaux usées.
Les stations de potabilisation situées en aval des stations d'épuration dans cette région n'ont pas testé la radioactivité des eaux qu'elles distribuent depuis 2006, alors que les forages se sont multipliés depuis deux ans. Dans l'Etat du Texas où sont exploités plus de 93 000 puits, les structures hospitalières ont constaté une augmentation de 25% du taux d'enfants asthmatiques (contre une moyenne de 7% auparavant). L'EPA révèle également que les contaminations observées proviennent pour une part de déversements sauvages. Or, ce sont les entreprises de forage elles-mêmes qui sont censées prévenir ces déversements.
C'est donc toute la politique de l'eau à la charge des collectivités locales qui est mise à mal dès lors qu'elles ne maitrisent ni les explorations de sociétés qui les ignorent, ni les conséquences de ces explorations à but d'exploitation, faute d'information sur les procédés et les effets utilisés. Cela est parfaitement inadmissible surtout après avoir ratifié la convention d'Aarhus qui postule une information et une concertation avec les citoyens.
A quand un vrai débat public sur les choix énergétiques avec une mise en perspective tant des enjeux que des conséquences des choix réalisés et à faire.
Autant de détails alarmistes sur les dangers de l'exploitation des gaz de schiste qui trouvent un écho en Europe et particulièrement en France.
Depuis février 2011, des manifestations contre l'exploitation du gaz de schiste se sont multipliées en Ardèche, en Languedoc Roussillon et en Rhône Alpes; dans l'Ain, mais aussi en Ile de France, dans le Larzac et en Picardie. La suspension des permis d'exploration, jusqu'à fin 2011, répond à l'inquiétude des citoyens, écologistes ou pas, face au peu d'informations quant aux dommages à la santé humaine et animale, et aux dégâts environnementaux liés à l'exploitation de ces gaz.
Pour les Amis de la Terre, en recourant encore et toujours aux hydrocarbures, qu'ils soient conventionnels ou non, la France s'enfonce dans une impasse et compromet dans ces conditions le respect de ses engagements inscrits dans une loi du 13 juillet 2005 de diviser par 4 ses émissions de GES d'ici 2050 et surtout d'avoir une réelle souveraineté énergétique dés lors que rien n'est fait pour repenser notre consommation globale des ressources naturelles et des énergies. Outre les risques environnementaux immédiats, l'exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels est un non-sens climatique, car c'est le meilleur moyen de rendre inopérantes les énergies renouvelables et d'empêcher une reconversion énergétique indispensable à terme, au vu de l'épuisement des ressources fossiles et du réchauffement climatique.
Si le gouvernement français a annoncé la suspension jusqu'à juin des travaux d'exploration pour les gaz de schiste autorisés il y a quelques mois par le précédent ministre de l'écologie, la vigilance s'impose car c'est bien pendant que M. Borloo négociait, en grande pompe, le Grenelle II de sa main gauche qu'il signait de sa main droite les permis de recherche des gaz de schiste dans le plus grand secret et que la législation du Code minier était révisé à la baisse par voie d’ordonnance, sans débat et sans contrôle de constitutionnalité.
Des recours se font jour. Il ne faut pas que le débat soit uniquement celui des juristes patentés ne des élus verts, mais que ce soit un débat citoyen qui ordonne une politique durable dans le cadre d'un aménagement du territoire durable lui aussi et surtout respectueuse de l'eau, si précieuse à la vie humaine, animale et végétale. On peut se passer d'énergie, on ne peut pas se passer d'éau pour vivre.
Pour participer, rendez-vous à DOUE Samedi 2 avril à 10h.
Muriel BODIN
Avocat
Docteur en Droit Public
Référente Gaz de schiste aux Amis de la Terre
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