Ce lundi, Christian Jacob, patron des députés UMP, s'est exprimé très clairement contre toute exploitation des gaz de schiste en France en demandant à ce que le moratoire annoncé soit « prolongé ad vitam aeternam ». Trois mois à peine après les premières réunions, interpellations, prises de position et manifestations publiques, l'opposition aux gaz de schiste a gagné toutes les familles politiques.
Les techniques de fracturation hydraulique nécessaires à leur exploration et exploitation semblent susciter un rejet unanime en raison des diverses pollutions de l'eau, de l'air et de sols qu'elles produisent. Pourtant, un « moratoire ad vitam aeternam », qui revient à rendre caducs les permis accordés en catimini, est loin d'être acquis.
Tout d'abord, il n'y a pas à proprement parlé de moratoire. Un moratoire exige une décision écrite. Pour l'instant, ce ne sont que par des déclarations orales que François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet et Eric Besson se sont engagés à ce qu'il n'y ait pas de forage. Ces engagements ont d'ailleurs une date de péremption. Le 31 mai, jour annoncé de la remise d'un rapport d'étude des « risques » qu'ils ont confié à leurs propres administrations. D'un gouvernement responsable et conséquent, on aurait pu espérer que cette étude soit réalisée par un organisme totalement indépendant. Ce n'est pas le cas puisque ce sont ces mêmes administrations qui ont donné leur aval aux permis délivrés. On aurait pu espérer que cette étude soit réalisée avant la délivrance des permis. Ce n'est pas le cas, ces derniers ayant été délivrés en mars et avril 2010 pour les gaz de schiste et dès 2008 et 2009 pour le pétrole de schiste. On aurait pu espérer qu'elle soit antérieure à toute utilisation, sur le territoire français, de techniques de fracturation hydraulique qui sont aujourd'hui mises à l'index. Ce n'est pas le cas non plus. Médiapart a révélé que des fracturations hydrauliques avaient déjà eu lieu sur la commune de Franquevielle (Haute-Garonne), en mars et en avril 2007, ainsi qu'a minima sur deux puits en Seine-et-Marne.
En plus d'être tardif et limité dans le temps, ce pseudo-moratoire est à géométrie variable. A la recherche de pétrole de schiste en Seine-et-Marne, les compagnies Toreador et Hess ne cachent pas vouloir reprendre leurs travaux de forage dès le 15 avril, date où la mission d'études rendra un rapport intermédiaire. Pourtant, extraire les pétroles de schiste nécessite les mêmes techniques de fracturation hydraulique que les gaz de schiste. A quelques dizaines de kilomètres de Paris, on s'apprête à jouer à pile ou face avec l'eau potable de 10 millions d'habitants. Christian Jacob, député de la 4ème circonscription de Seine-et-Marne, concerné directement par le pétrole de schiste, ne parle que de gaz de schiste. Pourquoi ?
Selon l'Institut Français des Pétroles (IFP), 60 à 100 milliards de barils de pétrole, soit l'équivalent de 70 à 120 années de production du Koweït, dormiraient sous le sol parisien. De quoi attiser les convoitises. Au point d'essayer de troquer un moratoire sur les gaz de schiste des trop rebelles Ardèche, Cévennes et Larzac contre une paisible exploitation de l'or noir du bassin parisien ? On n'ose l'imaginer.
Un gouvernement responsable et conséquent, alerté des risques pour l'environnement et la santé causés par l'utilisation de la fracturation hydraulique n'aurait pourtant pas d'autres solutions que de décréter un « moratoire ad vitam aeternam » sur toute exploitation d'énergies fossiles nécessitant l'emploi de ces techniques. Ne se limitant pas annuler les permis délivrés dans l'hexagone, il interviendrait auprès de l'Union Européenne pour qu'il en soit ainsi dans tous les pays européens, à commencer par la Pologne, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Convaincu par ses choix, un tel gouvernement interdirait l'importation de gaz ou de pétrole issu de tels procédés. De fait, il ouvrirait ainsi un immense débat citoyen sur l'avenir énergétique de notre société, un débat sans tabou nucléaire ni a priori croissantiste. Chiche...
Maxime Combes, membre de l'AITEC et engagé dans le projet "Echo des Alternatives".
source: Médiapart, 29/03/2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire